Un spectacle élaboré et interprété par Patrick Coulais, avec la collaboration et les regards complices de Anne-Claude Romarie & Jack Percher
et le soutien du Théâtre de la Huchette (création mars 2017)
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« ...désolé pour la tendresse des autres, dont je ne doute pas, mais la tendresse est terrible, elle vous fait vous abandonner. » J.L Lagarce
Notes d'intention de Patrick Coulais
En 2010 je découvre « Le bain » et « Le voyage à La Haye », deux des trois récits autobiographiques de Lagarce, l'écriture et l’intimité de ces textes me bouleversent.
Pour un acteur, il y a des textes qui prennent valeur d’engagement, il n’est plus question de rôle mais d’une sorte d’adéquation à une écriture, à un sujet, à une sensibilité. Comme une évidence, à travers le filtre ténu de l'interprétation, émerge le projet de vouloir transmettre cette langue si particulière, sans identification, mais au plus près de cet aveu.
À partir de ces récits émerge un dispositif simple qui permet de porter ces témoignages de vie : seuls demeurent sur scène un homme dans la confidence, et une chaise.

« Le bain et le Voyage à La Haye » est un solo qui demande une proximité et une confidentialité entre la scène et la salle, il prendra tout son sens sur un plateau réduit ; il peut également se jouer dans une salle de bibliothèque, une salle de classe, chez un particulier etc.
Le bain et le Voyage à la Haye : un langage qui ne veut pas se voiler la face
Ces récits sont presque testamentaires : écrits à partir des années 90, ils ne seront publiés qu’après sa mort. Avec pudeur mais non sans humour Jean-Luc Lagarce fait ses adieux à la vie, à l’amour et au théâtre.
La langue si particulière et si précise de Jean-Luc Lagarce nous donne à entendre les méandres de sa pensée, la nécessité de mettre des mots sur ses impressions, de ne plus se voiler la face. Un langage qui se cherche, précise les actes de son comportement, digresse, accentue jusqu’à la jubilation certains mots et expressions, l’humour perçant sous le désespoir.
Dans le très court récit « Le bain »
l’auteur nous fait partager ses derniers instants d’intimité avec Gary, amant éternel mais irrémédiablement malade. La reviviscence de cette ultime nuit d'amour, la certitude de la mort proche aboutit à une déflagration chez l'auteur, comme si à ce moment il regardait la lumière de trop près.
« C'était comme le bonheur le plus grand, aujourd'hui, le souvenir que j'en garde, c'était comme le bonheur le plus grand, d'être si paisibles et le désespoir encore de savoir qu'on se quitte. »

et très structuré raconte l’une des dernières tournées que Jean – Luc Lagarce accomplit avec ses comédiens du Théâtre de la Roulotte. C’est aussi l’histoire de son « œil droit » atteint par le cytomégalovirus, signe annonciateur et tragique du SIDA qui s’insinue en lui.
Il flirte avec l’épuisement, le déni de la mort annoncée, qu'il repousse, confronté à ses responsabilités de chef de troupe en tournée à La Haye mais qui se terminera à Paris, à l’hôpital. Malgré l’irrévocabilité de sa maladie, l’espoir et donc la vie veulent s’affirmer à tout prix, le texte se teintant régulièrement d’humour.
« Le jour suivant, je me suis levé, c’était le jour de mon anniversaire. J’avais trente- sept ans, je me suis juste dit ça. Aucun des autres ne m’appela, pas même A. mais je n’en fus pas triste, cela n’avait pas d’importance, de nombreuses années déjà que cela n’en avait plus, j’étais encore enfant, cela ne me concernait pas. »
Le Bain et le Voyage à La Haye
Par marianededouhet
Il entre par derrière, droit et sec, nous fixe, sans dureté mais sans nous laisser pour autant la possibilité d’échapper à sa présence, comme la mort qui rôderait sous une apparence familière. C’est vers elle, vers les jours qui la précèdent à plus ou moins brève échéance, que convergent ces deux récits testamentaires de Lagarce. Le comédien Patrick Coulais restitue avec brio la sobriété délibérément plate et foudroyante de l’écriture de l’auteur. Évitant tout pathos, il se contente d’étouffer la salle avec la gravité des mots qu’il détache, arborant parfois un équivoque sourire aux lèvres, suggérant, à travers l’extrême plasticité de son visage, que les sentiments sont toujours mêlés. Ainsi la scène du bain – où Lagarce retrouve un ancien amant sur le point de mourir – concentre-t-elle le drame d’un corps épuisé et la légèreté d’un instant d’amitié – banal mais bien vivant, et comme tel, arraché au tragique. Réceptacle de leurs retrouvailles, sas avant l’absorption fatale, l’eau ressemble à une étrange parenthèse qui sort les corps de leur réalité. Dans ce spectacle d’une intensité rare, l’émotion culmine dans cette manière presque embarrassante de lier le pire et l’anecdotique, l’inéluctable et le quotidien.Voir la bande annonce de 3 mn :